Résumé des épisodes précédents
Un système de protection sociale a été construit en France à la fin de la seconde guerre mondiale, dans des conditions économiques difficiles, mais dans un contexte politique favorable aux salariés. Son financement reposait sur les cotisations des salariés et des employeurs, mais toutes payées par l’employeur, qui constituaient une partie des salaires, socialisée et redistribuée immédiatement sous forme de prestations : maladie, retraite, allocations familiales… Ces cotisations étaient pour l’essentiel proportionnelles aux salaires, les prestations correspondaient aux droits et
besoins de chacun.
Ainsi, une part des richesses produites par les salariés était prélevée à la source, sur le lieu de cette production, l’entreprise, pour financer une Sécurité
sociale fondée sur la solidarité. Et même si le système n’était pas parfait, avait besoin d’évoluer, d’être amélioré, les principes qui ont présidé à sa construction restent entièrement valables et doivent être vigoureusement
défendus. D’autant que les attaques, les tentatives de destruction par les champions du capitalisme ont commencé dès sa mise en place sur la base de deux considérations : d’une part, tout ce qui revient au salaire est perdu pour le capital, d’autre part, les milliards de la « Sécu », qui ne sont pas capitalisés, échappent à la spéculation financière des banques, des sociétés d’assurance, etc. Les caisses de sécurité sociale étaient gérées par des administrateurs élus, en particulier par les salariés qui pouvaient intervenir dans la définition des politiques à appliquer sur le terrain : prévention, santé au travail, politique familiale… Les salariés avaient un droit de propositions et de contrôle sur l’utilisation de ce salaire socialisé qui leur appartenait. C’était le minimum d’un fonctionnement démocratique.
Une entreprise de démolition
Petit à petit, avec une persévérance opiniâtre, les gouvernements successifs, au service d’un capitalisme de plus en plus financiarisé et sans frontières, ont sapé les fondations de cette protection sociale qui pourtant
avait beaucoup contribué à l’essor économique de l’après-guerre. Mais le but du capitalisme, c’est de faire de l’argent avec de l’argent et non pas de satisfaire les besoins humains, fussent-ils les plus fondamentaux : travail, santé, logement, éducation…
Dans ce long chantier de démolition, on peut pointer quelques étapes marquantes :
suppression des élections des administrateurs salariés,
création de la CSG, un impôt à la source qui remplace les cotisations, sous prétexte de faire contribuer les revenus non salariaux, mais qui s’accompagne d’exonérations de cotisations « patronales » de plus
en plus importantes,
étatisation de la gestion,
fixation autoritaire du budget annuel de la Sécurité sociale, présenté comme un budget de l’État, sans prise en compte des besoins réels et des nécessaires évolutions,
séparation des branches qui ne peuvent plus jouer de la compensation,
réduction des prestations (déremboursements, forfaits et autres journées de carence, …) qui obligent ceux qui le peuvent à se tourner vers les assurances privées, fussent-elles maquillées en mutuelles, qui financent
déjà 12,5% des dépenses de santé en France (record européen).
« J’ai fait un rêve » (Laurence Parisot) et « Arnaque et entourloupette » (N.S.)
Le rêve du Medef, c’est la part des salaires réduite au minimum (à l’exception de la rémunération des grands patrons qui n’est jamais assez élevée) afin que la part des profits soit maximum. Pour que le rêve
se réalise, il faut amputer les salaires (en politiquement correct on dit « baisser le coût du travail »). Le prétexte communément avancé est la « compétitivité », mais il faut être conscient que pour être « compétitif
» par rapport à l’Indonésie, il faudrait que les salaires français soient inférieurs aux salaires indonésiens. En attendant, on diminue les salaires de tous en exonérant les entreprises de la part socialisée.
Ces exonérations sont, en partie, compensées par le budget de l’État, donc par les impôts payés par tous (?), en particulier les impôts indirects comme la TVA et autres taxes sur les produits pétroliers. Alors, pour
mieux satisfaire les attentes du Medef, pourquoi ne pas aller encore plus loin dans ce sens ? C’est ce que N.S. a annoncé en présentant ses vœux pour
2012. En mentant et en prenant les français pour des imbéciles, comme à son habitude, en prétendant « faire contribuer financièrement les importations qui font concurrence à nos produits avec de la main d’œuvre
à bon marché », en fait instaurer ce qu’on appelle par antiphrase la « TVA sociale ». Ainsi, N.S. veut nous faire croire que la TVA ne s’appliquerait
pas aux produits fabriqués en France et que si, à l’avenir, j’achète un appareil photo japonais fabriqué en Indonésie, c’est l’appareil photo qui va payer la
TVA et pas moi !
Faire payer les pauvres…
Inutile d’argumenter plus avant : le transfert de la cotisation sociale vers la TVA serait la suite et pratiquement l’achèvement du processus de destruction
du système de protection sociale solidaire et démocratique en vue de gonfler encore les profits des entreprises en transférant sur les salariés consommateurs les cotisations « patronales ». Dans un premier temps, l’augmentation possible du salaire net allégé de tout ou partie des cotisations serait utilisée pour faire passer la pilule mais les fonctionnaires, les retraités
qui paient la CSG et la CRDS verraient une fois de plus leur pouvoir d’achat réduit immédiatement.
Rien ne garantirait que les sommes ainsi prélevées seraient réellement affectées au budget de la Sécurité sociale dans le cadre d’un financement arbitrairement limité et encadré, dans un contexte d’austérité, sans que soient pris en compte les besoins nouveaux comme par exemple la « perte d’autonomie ». Les assurances privées pourraient continuer à prospérer
sur ce champ de ruines et l’argent de la protection sociale à alimenter la spéculation financière jusqu’à la prochaine crise.
… ou restaurer la solidarité ?
La FSU ne peut qu’appeler les personnels à s’opposer résolument à ce projet de TVA antisociale et à agir pour l’instauration d’autres dispositifs de financement d’une protection sociale améliorée (fin des exonérations, cotisations prenant en compte la valeur ajoutée des entreprises et leur investissement dans l’emploi, la formation, les salaires, la santé des salariés,
… contribution des revenus financiers, …) et le retour à une gestion démocratique du salaire socialisé par ses légitimes propriétaires.
Jean-Claude Lamarche