Le projet de loi sur les retraites concerne l’ensemble des salariés actifs et des retraités, mais il est particulièrement violent pour les fonctionnaires. Cet aspect du projet résulte de deux paramètres :
les pertes subies par les banques, assurances et autres organismes financiers dans la crise ont été épongées par des prêts consentis par les finances publiques et la Banque centrale européenne. Souvenons nous que le Président de la République avait affirmé à cette occasion que cela allait rapporter de l’argent par le versement d’intérêts. En réalité cette opération s’est traduite par le transfert des pertes dans la dette des États tandis que les organismes financiers repartaient de plus belle dans la spéculation, le versement de dividendes regonflés à leurs actionnaires et de bonus faramineux à leurs traders. Et c’est ce gonflement de la dette des États qui sert d’alibi à ces organismes pour prêter aux États(complices) à des taux exorbitants, et aux gouvernements pour imposer de nouvelles coupes sombres dans les dépenses publiques.
le gouvernement, les hommes politiques de droite (mais pas seulement), le Medef, continuent leur campagne de propagande, avec la complicité de la plupart des médias, sur le thème des « fonctionnaires privilégiés », campagne permanente dont nous ne pouvons ignorer les effets. Sur ce fonds de commerce, le gouvernement espère obtenir un consensus dans l’opinion publique sur les agressions contre les fonctionnaires.
Les principales régressions projetées
La retenue pour pension passerait progressivement de 7,85% actuellement à 10,55% en 2020, ce qui conduirait à une baisse du salaire net de plus de 2,9%. C’est le but recherché : la retenue pour pension des fonctionnaires de l’État est virtuelle, il n’y a pas de caisse de retraite et les pensions, salaires continués, son payées par le budget de l’État.
Cependant, depuis 3 ans, le montant des pensions versées par l’État aux fonctionnaires retraités est inscrit dans le budget sur une ligne spécifique (ce qui n’existait pas avant) où est totalisé le montant des retenues sur les salaires et la contribution complémentaire du budget au financement des pensions ( sorte de « part patronale »). Le projet prévoit de geler cette contribution à son niveau actuel. Même en augmentant le taux des retenues sur les salaires, on voit bien où va conduire une telle disposition dans un contexte de réduction massive du nombre de fonctionnaires au moment où le nombre de retraités augmente : l’enveloppe à répartir va, au mieux, stagner et il faudra diminuer les pensions. Les fonctionnaires des collectivités, alignés sur les fonctionnaires de l’État, seront victimes du même traitement.
Les fonctionnaires, comme tous les salariés, verraient l’âge légal de départ à la retraite passer de 60 à 62 ans d’ici 2018 et l’âge d’annulation de la décote de 65 à 67 ans. Avec l’augmentation continue du nombre d’années d’assurance et de services exigés pour la retraite complète, et l’augmentation du taux de décote (1,25% par trimestre manquant à partir de 2015) on voit comment la décote va être rendue plus « performante » et la surcote va disparaître.
Dans la fiche n°8 de la présentation gouvernementale du projet de loi, il est affirmé que la réforme sera faite « dans le respect des droits acquis ». C’est l’un des très nombreux mensonges grossiers, conscients et volontaires de nos gouvernants dans leur argumentation pour faire passer leur purge. Les fonctionnaires mères de trois enfants apprécieront puisque le droit à un départ anticipé après 15 années de services est pratiquement supprimé à partir du 31 décembre [1] de cette année puisque pour toute demande de mise à la retraite déposée dans ce cadre après cette date, le calcul serait fait sur la base des règles de l’année d’ouverture des droits correspondant à sa génération. Par exemple la règle de 2022 pour quelqu’un qui est né en 1960 car l’âge d’ouverture des droits sera alors passé à 62 ans, ce qui inclut la décote maximum car le départ anticipé est synonyme de durée d’assurance réduite. Cette disposition a pour effet de réduire les pensions des femmes concernées de 15 à 30%. Autant dire que c’est un droit acquis qui est supprimé brutalement. Il était quasiment impossible de concevoir une telle violence car elle signifie clairement qu’en travaillant plus longtemps, au-delà de l’âge d’ouverture des droits, on peut perdre ce que l’on avait acquis, ce qui est une nouvelle page très inquiétante du « travailler plus pour gagner moins ». Ajoutons que c’est un nouvel exemple de la mise en application d’une loi avant qu’elle ne soit votée : la rétroactivité de la loi devient banale. On n’avait vu cela que sous le gouvernement de Vichy.
Les fonctionnaires ne pourront plus bénéficier du minimum garanti de pension à l’âge de 60 ans. A l’avenir, il faudra, pour en bénéficier, avoir tous ses trimestres d’assurance (mais alors, on peut penser que la pension sera supérieure au minimum garanti), sinon attendre l’âge du taux plein, c’est-à-dire bientôt 67 ans. En réalité, cette mesure vise à supprimer ce droit pour nombre de bénéficiaires potentiels. Elle constitue une nouvelle attaque au statut des fonctionnaires.
Ce n’est pas tout
Tous les aspects néfastes du projet de loi sur les retraites ne sont pas décrits ci-dessus. Mais il n’y a pas que les retraites. Les autres secteurs de la protection sociale sont régulièrement attaqués, les emplois de fonctionnaires supprimés, la précarité accrue, les salaires et les pensions bientôt bloqués ou diminués. Et la démographie n’a rien à y voir. Il s’agit de faire payer la crise aux salariés afin de rassurer les spéculateurs et permettre aux plus riches de continuer à s’enrichir, ce qui n’est pas un projet mais une réalité constatée chaque jour.
Après la très forte mobilisation du 24 juin, qui a montré que le gouvernement n’a pas gagné la bataille d’opinion et que les salariés ne sont pas résignés, qu’ils peuvent faire reculer les barbares, d’autres mobilisations sont prévues pour la rentrée avec des appels à la grève. La période des vacances elle-même sera ponctuée d’actions diverses (rassemblements, pétitions, …). Soyons présents.
Pour paraphraser un mot d’ordre des salariés grecs : Fonctionnaires, levez vous !
Jean-Claude Lamarche
[1] Initialement prévue au 13 juillet 2010, les fortes réactions syndicales et les nombreuses demandes individuelles ont contraint le gouvernement à reculer cette date au 31 décembre 2010, avec départ obligé avant le 1 juillet 2011.