HISTOIRE BELGE

Bernard Arnault (32 milliards d’euros de fortune personnelle), patron de LVMH (leader mondial du luxe), aime la Belgique jusqu’à vouloir acquérir la nationalité belge. Cela montre qu’il n’est pas ingrat puisque, après avoir implanté il y a quatre ans sa filiale LVMH Finances à Bruxelles, il a pu économiser 188 millions d’euros d’impôts grâce aux largesses fiscales belges (Le Monde du 14-09-2012), soit environ 7800 fois le salaire brut annuel d’un professeur certifié débutant. En réalité, ce sont 11 sociétés financières belges de LVMH qui ont, à ce jour, bénéficié d’un taux d’imposition effectif de 3,84%. Dans le même temps, B.A. a créé en Belgique une fondation privée, Proctinvest, destinée à gérer sa succession afin de « protéger les intérêts financiers et patrimoniaux de ses héritiers en ligne directe », autrement dit, afin d’échapper aux impôts sur les successions.

Mais passons sur les détails. B.A. n’est que le gros arbre qui cache la forêt. Ce sont en effet plus d’un millier de sociétés installées en Belgique, dont quelque 200 multinationales, qui bénéficient des mêmes largesses fiscales. Parmi elles Arcélor Mittal, Accor Hôtels, BASF, Auchan, Lactalis, et même EDF pour n’en citer que quelques-unes bien connues.

LA BLANCHE HERMINE

La presse confirme, d’autre part, l’information selon laquelle les dividendes versés aux actionnaires par les sociétés « françaises » augmenteront de 5% en 2012 (la crise, quelle crise ?). C’est au même moment que Didier Migaud, Président de la cour des comptes, propose d’accroître les impôts des retraités. Des retraités qui percevaient en moyenne, en 2011, 1194 euros brut par mois (avant ponction de CSG, CRDS, complémentaire maladie indispensable) et dont environ 1 million vivaient sous le seuil de pauvreté. Mais, affirme la Cour, « la population retraitée s’avère aujourd’hui, sous l’angle financier, dans une situation globale en moyenne plus favorable que celle des actifs ». Autrement dit, les têtes pensantes de la Cour ont découvert, grâce à de laborieuses études statistiques peu fiables, qu’un retraité qui touche une petite retraite est quand même mieux loti qu’un jeune de 23 ans au chômage qui ne touche même pas le RSA, et que des retraités qui ont réussi, en une vie de travail, à s’acheter un logement sont mieux lotis sur le plan patrimonial que ce même jeune qui vit encore chez ses parents.

La presse n’a pas fait écho d’une partie du rapport qui traiterait de l’évasion fiscale légale en Belgique (voir ci-dessus) mais c’est certainement un oubli. Toujours est-il qu’au lieu de suggérer une véritable politique d’emploi qui passe par la récupération des dividendes des actionnaires pour l’investissement productif et une augmentation du salaire des actifs, la Cour préconise l’appauvrissement des retraités en augmentant leurs impôts : supprimer l’abattement de 10% du calcul de l’impôt direct (ce qu’il en reste car il s’applique à un plafond de revenus très modeste), supprimer l’exonération d’impôts des majorations de pension pour trois enfants et plus, augmenter la CSG pour aligner le taux appliqué aux retraités sur celui des actifs, …

Du côté du gouvernement, chacun joue sa partition : la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, déclare que le gouvernement s’engage sur cette voie, Michel Sapin, le ministre du travail confirme cette piste, Jean-Marc Ayrault, le premier ministre, assure qu’aucune hausse de la CSG ni suppression de l’abattement de 10% ne sont « envisagés » dans le projet de budget 2013 et François Hollande, Président de la République, avait affirmé dans sa campagne électorale qu’il n’était pas question de remettre en cause l’abattement de 10% … Les médias joue le continuo habituel : les retraités nantis et privilégiés contre les actifs aux faibles revenus écrasés sous les « charges ».

MANIFESTER LE 11 OCTOBRE

Dans cette cacophonie, la meilleure garantie pour les retraités et les futurs retraités est d’agir pour la défense et l’amélioration de leur pouvoir d’achat et une prise en charge solidaire de la perte d’autonomie, mais aussi pour une réforme fiscale qui permette de faire contribuer les vrais privilégiés, supprime la CSG et la CRDS et rétablisse les cotisations sociales, contre la concurrence fiscale, salariale et sociale faussée en Europe, contre la politique d’austérité qui continue et qui s’inscrit dans l’implacable carcan du Traité budgétaire européen que l’on peut aujourd’hui baptiser de traité merkozyhol.

La journée de mobilisations et de manifestations unitaires du 11 octobre à l’appel des organisations syndicales de retraités, dont la SFR-FSU, doit être un moment fort de l’action pour ces revendications et pour répliquer à la sournoise campagne médiatique visant à opposer les générations. Les personnels actifs disponibles sont invités à y participer car tous sont concernés.

Jean-Claude Lamarche