Grenoble, le 25 juin 2012

Monsieur le Ministre,

Nous avons constaté avec préoccupation et contesté la politique menée par le précédent gouvernement en matière sociale, marquée par des reculs importants en matière de droits, et par de violentes attaques contre les migrants, avec des déclarations où le racisme et la xénophobie semblaient prendre le pas sur les valeurs de la République.

Nous avons salué la défaite électorale de M. Sarkozy, et nous considérons que cette défaite est une victoire de la jeunesse, du monde du travail et des milieux populaires qui se sont mobilisés dans l’attente d’une rupture avec la politique précédente et d’un réel changement en faveur du progrès social.

Par ce courrier, nous nous permettons de vous exposer nos attentes sur le sujet particulièrement sensible des droits des migrants, qu’ils soient avec ou sans papiers, auprès desquels nos organisations syndicales sont engagées à des titres divers.

La politique en matière d’immigration conduite jusqu’à très récemment, dite de « lutte contre l’immigration irrégulière », a eu des conséquences sociales et humaines graves, et a contraint les travailleurs sans papiers à s’accommoder de conditions de travail et de salaires bien inférieurs à ceux en vigueur dans notre pays.

L’Isère est un département où les mobilisations pour défendre les droits de l’ensemble des sans-papiers sont depuis des années très fortes. Il est donc compréhensible que les grandes luttes des travailleurs sans-papiers en région parisienne aient trouvé un prolongement en Isère, où les travailleurs sans-papiers de l’Isère se sont organisés en syndicat pour faire aboutir leurs revendications. L’ensemble des organisations syndicales départementales signataires soutient les actions menées en Isère par le syndicat des travailleurs sans-papiers, ainsi que leurs revendications.

Vous trouverez ci-dessous, Monsieur le Ministre, la liste de nos demandes concernant la politique envers les migrants, notamment les travailleurs sans-papiers :

- L’État doit respecter sa parole. Les dossiers déposés dans un cadre négocié doivent aboutir à une régularisation comme convenu. Or l’État dans l’Isère n’a pas respecté la parole donnée. Ce n’est pas admissible et c’est un manque de respect grave vis à vis des organisations syndicales auprès desquelles ces engagements avaient été pris. Nous demandons notamment la régularisation immédiate de toutes les personnes dont le dossier a été déposé dans le cadre de l’addendum avant le 11 juillet 2011.

- La régularisation des travailleuses et travailleurs sans papiers doit se faire sur la base des critères nationaux améliorés, simplifiés, sécurisés par la loi et/ou la réglementation.

- La situation des salarié-e-s migrants contraints de travailler « au noir » doit être prise en compte en permettant à leurs employeurs de les déclarer. Une attestation de l’employeur doit suffire pour prouver une situation de travail.

- Dès le dépôt de dossier en préfecture pour la régularisation par le travail, un titre provisoire de séjour avec autorisation de travail doit être accordé.

- Le titre de séjour de 10 ans doit être la règle et attribué au maximum un an après le premier titre de séjour.

- Il ne doit pas être fait de distinction selon la nationalité des travailleurs sans-papiers. En particuliers, lorsqu’il existe des accords bilatéraux (par exemple les accords franco-algérien et franco-tunisien), ceux-ci ne doivent pas servir de justification pour écarter une demande de régularisation par le travail. En Isère, les travailleurs sans-papiers sont très majoritairement des Algériens et des Tunisiens. Les écarter de la régularisation, c’est dans les faits renoncer à traiter le problème.

- La situation de l’emploi dans un secteur donné ne doit pas servir de justification pour écarter une demande de régularisation par le travail. Nous refusons une préférence nationale qui ne dit pas son nom.

- Lorsqu’un étranger en situation de travail a bénéficié d’un titre de séjour pour des motifs de vie privée et familiale, de santé, d’études, etc., et que les circonstances ont changé pour une raison ou pour une autre (fin de vie conjugale, fin d’études, …), le titre de séjour doit être prolongé avec droit au travail, afin que la situation de travail ne soit pas interrompue.

- La régularisation de tous les jeunes majeurs scolarisés, avec autorisation de travail.

- L’attribution aux étudiants étrangers d’une carte de séjour pluriannuelle, de la durée des études en France. Les diplômés étrangers qui le souhaitent doivent pouvoir rester travailler ici, et pour cela recevoir un titre de séjour avec droit au travail.

- La généralisation du droit au travail à l’ensemble des détenteurs et des demandeurs de titres de séjour (y compris les demandeurs d’asile).

- La mise en place d’un recours suspensif permettant le maintien des droits en cas de refus de délivrance d’un titre de séjour.

- L’amélioration du fonctionnement des services publics, particulièrement des préfectures, afin de garantir aux migrants des conditions décentes d’accueil, d’information et de délai de traitement des

dossiers.

- La fin des discriminations à l’embauche que subissent les immigré(e)s et les jeunes Français(es) issu(e)s de l’immigration, particulièrement des quartiers populaires.

- L’égalité de traitement entre tous les salariés quelles que soient leur origine et leur situation administrative.

- La ratification et l’application par la France des textes internationaux de défense des droits des migrants

- L’abrogation des « mesures transitoires » prises à l’encontre des salarié-e-s Roumains et Bulgares.

Enfin nous tenons à vous signaler qu’il nous semble très difficile de faire évoluer la politique menée dans notre département en laissant en place l’actuel préfet de l’Isère, M. Le Douaron, nommé dans les conditions

que l’on sait au lendemain du tristement célèbre « discours de Grenoble » de M. Nicolas Sarkozy. La politique menée sous sa direction a été celle d’un durcissement sans précédent de la politique menée vis à

vis des étrangers en situation irrégulière, et d’une dégradation constante des relations avec les organisations syndicales.

Dans l’attente de vous lire, veuillez croire, Monsieur le Ministre, en l’assurance de nos salutations syndicales.