… Et pourquoi faut-il continuer à se syndiquer après la retraite !!

Nous publions ici un témoignage éclairant d’un syndiqué de la FSU de l’Isère à propos des pensions. Merci à lui !

Pouvoir d’achat d’un retraité

« Pour commencer, j’invite chacun à faire les mêmes calculs que ceux qui vont suivre pour évaluer sa situation personnelle et comprendre pourquoi, petit à petit, le sentiment s’installe de ne pouvoir plus faire certaines dépenses et d’être obligé de faire des choix.
Lorsque je suis parti en retraite en décembre 1999, avec 75% du salaire brut d’un certifié hors-classe en fin de carrière, ma pension nette mensuelle était de 2323 € (je vous ferai grâce des centimes). Ma pension nette en décembre 2021 est de 2652 €. Elle a donc augmenté, entre décembre 1999 et décembre 2021 de 14,16% environ, soit 329 €. Dans le même temps, selon l’Insee, les prix à la consommation ont augmenté de 35,3%. Par suite, le montant de ma pension nette* actualisé seulement sur l’augmentation des prix devrait être 3143 €. Il me manque donc, chaque mois, pour suivre la seule augmentation des prix, 491 €. Pour rattraper cette seule perte, il faudrait augmenter ma pension de 18,5%. Ma perte de pouvoir d’achat par rapport à l’augmentation des prix est, sur un an, de 5892 €, soit 2,22 mois de pension nette.
Si je fais le calcul sur la pension brute, je constate un manque de 292 € par mois, soit environ 3508 € par an, plus d’un mois de pension brute. La perte sur la pension brute vient simplement de la non indexation sur les prix, alors que la perte sur la pension nette vient aussi des prélèvements supplémentaires imposés aux retraités depuis l’an 2000 : CSG, CRDS, CASA.
Si l’on ne veut pas que les retraités glissent inexorablement vers la pauvreté, il faut indexer les pensions sur l’augmentation du salaire moyen et non pas sur les prix. Si l’on consulte à nouveau l’Insee, on trouve qu’entre fin 1999 et fin 2019, le salaire moyen masculin**(dans le privé), en euros constant, a augmenté de 8,7%. Si donc ma pension nette avait suivi l’augmentation des prix et l’augmentation du salaire moyen , elle s’élèverait aujourd’hui à environ 3280 € et j’aurai gagné 8,7% de pouvoir d’achat. Dans la réalité, par rapport à cette augmentation des prix et des salaires, j’ai une perte de pouvoir d’achat d’environ 24,5%, soit 3 mois de pension qui manquent à l’appel.

Ce qui précède est un constat personnel. Il affecte le montant d’une pension relativement élevée et les dégâts sont moindres pour les pensions les plus faibles qui ont, en particulier subi moins de prélèvements nouveaux, mais qui ont cependant pris la non indexation sur les prix de plein fouet. Mais les dégradations sont du même ordre de grandeur et sont d’autant plus inadmissibles. Quant aux actifs, ils peuvent se livrer aux mêmes calculs, en les adaptant à leur situation individuelle, ils arriveront très probablement aux mêmes constats. Les quelques réductions d’impôts de ces dernières années sont loin d’avoir compensé les pertes et il faut avoir bien à l’esprit qu’une diminution des impôts se paie toujours par moins de service public, donc finalement une nouvelle perte de pouvoir d’achat. L’exemple de la (non) prise en charge de la perte d’autonomie en est un exemple éclatant.
Pour ceux qui pensent qu’il suffirait de rattraper l’augmentation des prix pour maintenir le pouvoir d’achat, il faut avoir bien en tête ceci : si ma pension de l’an 2000 avait au moins et seulement suivi l’augmentation des prix, ma pension de 2022 me garantirait un pouvoir d’achat de l’an 2000, autrement dit, comme retraité, je serai exclu, a priori, de toute possibilité d’amélioration de ce pouvoir d’achat.

Ce constat relativise aussi les revendications avancées par les organisations syndicales, dont la mienne, qui portent seulement, en général sur un rattrapage des 3, 4 ou 5 dernières années. Le compte n’y est vraiment pas. Il me semble que le moins, pour un syndicat, est de revendiquer le rattrapage de la totalité des pertes subies et une amélioration du pouvoir d’achat même si cela peut paraître « énorme ». Je suis également convaincu que la publication de calculs de ce type dans la presse syndicale, à titre d’exemples, serait la moindre des choses et mobilisateur. Ca fait maintenant 65 ans que je suis syndiqué et que j’attends ça.

* Il s’agit, bien sûr de la pension avant prélèvement des impôts à la source et non pas du « total net » figurant sur le bulletin de pension.
**Le salaire moyen féminin, dans le privé, a augmenté, dans la même période, de 15,7%. »