La situation politique et syndicale, depuis 2012, a été marquée par une scission de fait entre les forces politiques et entre les organisations syndicales qui prétendent défendre les intérêts et les aspirations des travailleurs.
Cette scission s’est enracinée par deux types d’événements liés entre eux :
D’une part, une série de rencontres de négociation, organisées par le gouvernement, entre le MEDEF et les organisations syndicales représentatives du secteur privé. Des accords ont été signés par une partie des syndicats et été contestés farouchement par l’autre partie. Au travers des négociations sur les retraites, l’ANI, les retraites complémentaires, des pas importants en direction des revendications du MEDEF ont été effectués : allongement de la durée de cotisation pour avoir une retraite complète, effort financier assumé exclusivement par les salariés et les retraités, la protection sociale livrée aux assurances privées, le recul d’un an (63 ans) pour prétendre à une retraite complémentaire complète sans malus, … De plus, le secteur public se voit appliquer des décisions prises en dehors de toute négociation avec ses organisations syndicales représentatives.
D’autre part, une politique budgétaire répondant de plus en plus aux dogmes du libéralisme : moins d’État, plus de libertés et de profits pour le secteur privé (grandes entreprises et multinationales). Ainsi, le gouvernement s’est engagé dans une marche forcée dans la réduction des recettes et des dépenses du budget de l’État. Il contraint les collectivités locales et territoriales à faire de même. Cela s’illustre par la disparition du service public sur de nombreux territoires, par le blocage des salaires et des pensions, par le développement de l’injustice fiscale et par l’appauvrissement de nombreux travailleurs soumis à la précarité et au chômage de masse, … Tout cela pour dégager des dizaines de milliards d’euros reversés au patronat et aux actionnaires sous forme de crédits d’impôts, d’allégements ou de suppressions de charges sociales. Mais cela ne suffit pas au MEDEF qui exige en plus une "simplification" du droit du travail pour pouvoir licencier à moindre cout et sans justification, la disparition du CDI présenté comme un frein à l’emploi et la généralisation du travail précaire et sous-payé.
Cette politique a pu se mettre en œuvre car elle s’inscrit dans la propagande issue d’un vaste conglomérat reliant les lobbys des multinationales, la commission Européenne, des partis politiques, … Ainsi, la baisse du niveau de vie, le recul de l’âge de départ à la retraite, les petits boulots pour la majorité de la population et les superprofits pour les grandes entreprises et les actionnaires seraient la clé obligée pour, soi-disant, "sortir de la crise".
Cette propagande a aussi convaincu une partie des syndicats en France et on a pu le mesurer en constatant qu’un grand syndicat, au moment des négociations sur les retraites complémentaires AGIRC-ARRCO, allait au devant des souhaits du MEDEF en proposant une baisse du niveau des retraites par une revalorisation inférieure de 1 point à l’indice de l’évolution des prix et la diminution des pensions de réversion, en acceptant le recul à l’âge de 63 ans pour un départ à la retraite sans malus et en proposant de dispenser complètement le patronat de toute contribution supplémentaire : l’effort financier étant réservé aux retraités !
La politique mise en œuvre depuis 2012 a donc, non seulement, verrouillé la situation politique et sociale mais aussi participé au renforcement des idées, selon lesquelles, la disparition de la solidarité et des droits et des avantages acquis seraient inéluctables car source de progrès dans un avenir lointain. En renfort de cette idéologie, des économistes distingués viennent, journellement, pérorer dans les médias sur "l’inefficacité du combat syndical" et sur" la ringardise des syndicats" qui contesteraient et bloqueraient toute évolution.
Ne capitulons pas : Le syndicalisme n’a pas vocation à être le compagnon de route du MEDEF !
Le défi qui est devant nous est clair : c’est l’existence même d’un syndicalisme jouant son rôle pour l’amélioration des conditions de vie et de travail qui est en jeu.
POUR UN RENOUVEAU SYNDICAL ET DE NOUVELLES INTERSYNDICALES
Le renouveau syndical qui est indispensable n’existera que si nous nous préparons, dès maintenant, à affronter des projets ayant pour but de mettre gravement en cause notre modèle social : par exemple, disparition de la progressivité des impôts suivant les revenus, disparition des cotisations patronales pour le financement de la protection sociale, privatisation de larges secteurs du service public, précarisation massive du travail, …
Ainsi, le dialogue intersyndical doit prendre une nouvelle ampleur pour déboucher sur de nouvelles intersyndicales thématiques : Fiscalité, Protection Sociale, Fonction Publique, Emplois et Salaires, … L’objectif étant d’arriver à définir des analyses et des revendications communes dans un cadre intersyndical sans exclusive.
Une nouvelle période politique va s’ouvrir : c’est de notre capacité à être un acteur dans ce changement que se jouent notre existence syndicale et l’avenir des conditions de vie de tous.
Jacques Fogliarini