Un an et demi après l’arrivée du nouveau gouvernement, les organisations membres de la CISEM [1] ont désormais les moyens de tirer un bilan clair de la politique engagée en matière d’immigration. Celui-ci est atterrant. Non seulement la situation des personnes sans-papiers ne s’est pas améliorée, mais sur bien des points, elle s’est même encore dégradée en termes d’hébergement et de logement, de scolarisation, de maintien de plus en plus épuisant de familles, de couples et d’isolés dans l’attente.

Pour ce qui est des conséquences de la circulaire Valls, le bilan local fait apparaître très peu de régularisations, que ce soit pour les familles ayant des enfants scolarisés ou pour les travailleurs. La préfecture continue de multiplier les entraves, souvent illégales, au dépôt des dossiers, et il y aurait 8 à 9 mois de retard dans leur traitement. Les personnes sans papiers sont ainsi ancrées dans des situations d’immense précarité et d’insécurité, et doivent multiplier les démarches (comme le passage au tribunal administratif pour gagner le droit de franchir chaque étape de dépôt et de suivi de dossier). Quant aux autorisations de séjour pour « étranger malade », même quand les personnes sont très gravement malades, elles sont de moins en moins renouvelées, et le refus est très souvent accompagné d’une obligation de quitter le territoire (OQTF).

La situation de l’hébergement est également catastrophique. En Isère, l’action concertée de la Préfecture et du Conseil général envers les étrangers porte ses fruits, créant une situation sans précédent.

L’enveloppe attribuée à l’hébergement par le Conseil général a été revue à la baisse et décision a été prise de sortir des chambres d’hôtel 500 personnes sur 600. Le Conseil général « recentre ses missions » sur les situations les plus cruciales et n’hébergera plus qu’une centaine de personnes. Le suivi social des familles a, de façon générale, été réduit à peau de chagrin. Le Conseil général prétend ainsi inciter l’État à prendre le relais et à assumer ses responsabilités.

La Préfecture, en guise de relais, a annoncé qu’elle hébergerait, humanité oblige, mais seulement les personnes en situation régulière. Après avoir prolongé le dispositif d’hébergement hivernal de quelques mois, elle a fini par annoncer fin juin la fermeture presque totale des structures restées ouvertes, ce qui signifie la remise à la rue d’environ 600 personnes de plus. Une forte mobilisation militante a certes permis d’obtenir une rallonge budgétaire début juillet. Mais ça n’a pas empêché la préfecture de vider progressivement les centres d’hébergement.

Ainsi, tout l’été, nous avons été témoins du harcèlement subi par les sans-papiers : distribution massive d’OQTF, présence policière dans les centres d’hébergement, régime de la terreur destiné à les inciter à fuir. On voit se mettre en place, avec la distribution d’assignations à résidence, un nouveau système de rétention « à domicile »… En cette rentrée scolaire, nous ne pouvons même plus compter les chaises vides dans les classes laissées vacantes par des enfants qui suivent leurs familles expulsées, en fuite ou cachées pour échapper à la police. Pendant ce temps, les expulsions de campements de Rroms continuent.

La « gauche » gouvernementale n’a donc pas rompu avec la politique pratiquée ces dernières années. Elle mène au contraire une action cohérente à diverses échelles (État, collectivités territoriales) visant clairement à terroriser les personnes sans-papiers, à les épuiser et, à terme, à renvoyer le plus possible d’étrangers dans leur pays. Le chiffre record de 38 200 reconduites à la frontière a été atteint pour l’année 2012, et il n’inclut pas les expulsions dans les DOM, ni les personnes qui ont fui le harcèlement en quittant d’elles-mêmes la France.

Cette politique inhumaine ne respecte ni les droits fondamentaux, ni bien souvent la légalité elle-même. Qui plus est, elle nourrit un climat xénophobe et fait ainsi le jeu de l’extrême-droite.

Plus que jamais, la CISEM est décidée à se battre pour soutenir les étrangers migrants en Isère, et appelle à une large mobilisation pour faire reculer les politiques xénophobes qui menacent à terme nos droits à toutes et tous.

Grenoble, le 28 septembre 2013.

Signataires :
"-" Associations : AC ! Agir contre le chômage – APARDAP – CIIP – CSRA (Collectif de soutien aux réfugiés algériens) – La Patate chaude – Ligue des Droits de l’Homme – RESF 38

"-" Syndicats : FSU 38 – PAS 38 (Pour une Alternative syndicale) – Solidaires 38 – Syndicat multi-professionnel des travailleurs sans papiers

"-" Organisations politiques : Europe-Ecologie/Les Verts – Les Alternatifs – NPA – Parti de Gauche – PCF – PCOF


[1] Cisem 38 c/o CIIP Maison des Associations 6 bis, rue Berthe de Boissieux 38000 Grenoble Tel / fax : 04 76 87 59 79 Mail : cisem.isere@gmail.com