Le projet de loi de décentralisation renforce les compétences de la région en matière de formation professionnelle : La Région définit et met en œuvre la politique de formation professionnelle et d’apprentissage, élabore le contrat de plan régional de développement de l’orientation et des formations professionnelles (ce qu’elle faisait déjà avec le CPRDF ou Contrat de Plan Régional de Développement des

Formations), adopte la carte des formations professionnelles initiales du territoire régional (ce qui est nouveau).

La loi de refondation de l’école, qui vient d’être adoptée par le Parlement, complète et explicite cette nouveauté : « La région définit et met en œuvre la politique régionale d’apprentissage et de formation

professionnelle des jeunes et des adultes sans emploi ou à la recherche d’une nouvelle orientation professionnelle. Elle élabore le contrat de plan régional de développement des formations professionnelles défini à l’article L. 214-13 et arrête la carte des formations professionnelles initiales du territoire régional définie à l’article L. 214-13-1 »

Un rôle important est donné à la Région selon un processus complexe.

La Région a d’abord le premier mot : « Chaque année, et après concertation avec les branches professionnelles, la région recense par ordre de priorité les ouvertures et les fermetures qu’elle estime

nécessaires de sections de formation professionnelle initiale dans les établissements d’enseignement du second degré … Les autorités académiques établissent également un état des besoins de formation

professionnelle initiale ».

L’équilibre juridique paraît s’établir dans le cadre de la convention annuelle, signée par l’État et la Région : « Dans le cadre de la convention annuelle prévue au IV de l’article L. 214-13, signée par les autorités académiques et la région, celles-ci procèdent au classement par ordre de priorité des ouvertures et fermetures de sections de formation professionnelle initiale, en fonction des moyens disponibles. »

Mais la Région reprend la main : « Chaque année, la région arrête la carte régionale des formations professionnelles initiales » certes « conformément aux choix retenus par la convention mentionnée au

deuxième alinéa du présent article et aux décisions d’ouverture et de fermeture de formations par l’apprentissage qu’elle aura prises ».

Or, cette formulation pose déjà problème sur la forme : que se passe-t-il s’il n’y a pas d’accord entre les deux parties ? Qui, dans la réalité des rapports de force politiques sur le terrain, aura le dernier mot ? Sur le fond, il est incontestable que le curseur des compétences

partagées se déplace au détriment du système éducatif alors que les formations sous statut scolaire représentent 70 à 80 % des formations professionnelles initiales. Les Régions pourront développer une politique du tout apprentissage, ou de Formation Professionnelle Continue (contrat de professionnalisation pour l’obtention de BTS

par exemple), en défendant en général l’adéquation formation-emploi sur leur territoire et en s’appuyant sur de puissants lobbyings. Ces derniers, des forces patronales aux organismes de formation privés en passant par certaines organisations syndicales, n’ont de cesse de

promouvoir en région ces formations aux dépens du service public d’éducation.

Et le texte d’ajouter : « Cette carte est mise en œuvre par la région et par l’État dans l’exercice de leurs compétences respectives, notamment celles qui résultent de l’article L. 211-2 du présent code … Elle

est communiquée aux organismes et services participant au service public de l’orientation. »

La FSU s’oppose au transfert du pilotage de la carte des formations aux Régions. Elle ouvrirait le champ à une régionalisation de l’école en général. Un tel choix rendrait impossible toute mise en œuvre d’une politique nationale d’élévation des qualifications de tous les jeunes

en éclatant le service public en 26 politiques régionales. Cela entraînerait inéluctablement à terme la décentralisation des lycées professionnels et de leurs personnels, réalisant le rêve rétrograde de l’école du socle : 50% des élèves au lycée général puis à l’université, l’autre moitié devenant les publics régionaux captifs des LP, des

CFA (Centres de Formation d’Apprentis) et de la FPC. Il faut tout au contraire réaffirmer fortement le nécessaire maintien des LP, de leur formation et de leurs personnels enseignants dans la fonction publique d’État.

La FSU exige que le pilotage de la carte des formations professionnelles et technologiques reste, pour l’ensemble des ministères concernés (Éducation Nationale et Agriculture), sous l’autorité de l’État. On aura compris aussi qu’il nous faut une réforme ambitieuse de l’école et du second degré et de ses trois voies de formation. Portons ces revendications ensemble dans la manifestation nationale du 6 avril à Paris.

Marie-Laurence Moros

Voir aussi : Une première victoire sur les CIO qu’il faut concrétiser définitivement