Deux collègues de l’Isère ont assisté au colloque organisé le 28 septembre à Paris. En voici un compte-rendu établi par Marie-Hélène Gracia (SNICS-FSU).
Le colloque s’est ouvert avec l’intervention de Bernadette GROISON, secrétaire générale de la FSU.
Elle a tenu à rappeler que le colloque a lieu au lendemain d’une mobilisation massive des personnels du public et du privé. La suppression des 16000 postes et des 14000 à venir entraîne un système de plus en plus inégalitaire face aux exigences attendues pour la réussite de tous les élèves (rapport de l’OCDE). Il existe un manque de perspective face aux évolutions sociologiques, ainsi qu’un manque d’attractivité du métier d’enseignant, l’État méprisant ses personnels et ses usagers. Il est pourtant urgent de faire réussir les jeunes car il y va de leur avenir ainsi que de celui de la société dans son ensemble. La FSU est porteuse de 20 propositions pour opposer un projet éducatif à la politique actuelle dans l’unité avec les jeunes, leurs parents et leurs professeurs.
Elle laisse ensuite la parole aux deux intervenants de la matinée sur le thème :
« Faire évoluer l’école »
Christian BODELOT professeur de sociologie au département de sciences sociales, chercheur au laboratoire de sciences sociales à l’école normale supérieure de Paris.
Jacques BERNARDIN docteur en sciences de l’éducation ainsi que président du groupe français d’éducation nouvelle (GFEN).
Christian BODELOT part du constat que l’école française se porte mal depuis 1995. Il met en évidence une baisse globale du niveau des élèves avec une augmentation de plus d’un quart des élèves faibles. Cette augmentation n’est pas compensée par une élite mieux formée. Le système est très inégalitaire avec une corrélation entre la classe sociale dont est issu le jeune, et la ségrégation de la carte scolaire.
Il existe plusieurs facteurs à cet état de fait : politiques, culturels et sociologiques.
Avant 1995 il existait une prise en charge politique de l’institution avec des objectifs alors que depuis 1995 il n’y a plus de programme politique.
Modifications des relations école (instruction)/famille (éducation). L’école devient un enjeu de lutte avec des familles interventionnistes qui consomment du service public. (avant la famille faisait des enfants, maintenant ce sont les enfants qui font la famille).
Le rapport au savoir/culture est modifié : le progrès technique permet de savoir sans apprendre, ce qui est un obstacle au travail de l’enseignant. Les enfants savent, sans apprendre.
Il existe toujours un élitisme scolaire.
Pour Christian Bodelot, il n’y a pas lieu d’opposer élitisme et efficacité globale de l’école mais pour rétablir un équilibre, il faudra du temps. Il déplore l’augmentation de la tolérance face aux inégalités. Enfin, il affirme que la sortie du système éducatif des jeunes sans qualification est entretenue par le système puisque cela permet, lorsqu’ils se trouvent sur le marché du travail, de peu les rémunérer.
Constat :
Les pays qui ont de meilleurs résultats (savoirs fondamentaux) ont une équité sociale et scolaire non hostile : c’est de la formation de masse comme au Japon, Finlande, Canada, Nouvelle Zélande. Pour eux moins il y a de cancres, plus il y a de « bons » élèves.
Le redoublement ne sert à rien
La responsabilité est partagée entre politiques parents, enseignants, jeunes. Nous sommes tous concernés.
Jacques BERNARDIN revient sur le fait qu’il faut mobiliser tous les acteurs grâce à l’existence des missions, dans un cadre institutionnel à l’aide de changements structurels dans la pédagogie. La nation a besoin d’un cadre porteur avec un service public fort pour dynamiser les personnels. Il rajoute que le regard des enseignants envers les élèves doit changer et qu’il faut croire en leur éducabilité. Il critique sévèrement les aides aux élèves qui les découragent et pense qu’il vaut mieux donner du sens aux savoirs. Une enquête auprès des collégiens a mis en évidence que pour les deux tiers des élèves ce qui était important était d’apprendre alors que pour le tiers restant, les meilleurs, il s’agissait de comprendre. Il juge très sévèrement ces outils que sont les compétences à acquérir qui s’avèrent être une arme contre les qualifications.
Pour lui il convient de se recentrer sur le collège :
par une démocratisation élargie entre savoir et culture
pour faire en sorte qu’efficacité égale équité
pour favoriser une mixité sociale forte
par la mise en place d’un tronc commun véritable
Pour se faire il convient de changer :
le regard porté sur les élèves (57% s’ennuient à l’école)
les contenus
le rôle de l’enseignant
la conception de l’apprentissage élèves/enseignants.
Tout cela contribuera à une culture scolaire commune.
Conclusion : L’école a pour fonction de former des citoyens, de créer des liens sociaux, elle ne doit pas se plier aux réalités économiques.
L’après-midi est organisée une table ronde, animée par une journaliste du Monde, sur le thème :
« Quel projet éducatif pour demain ? »
Sont conviés des invités d’organisations politiques :
Philippe MERIEU pour Europe Écologie les Verts
Pierre LAURENT pour le Front de Gauche
Sylvain CANET pour le MODEM
Myriam MARTIN pour le NPA
Bruno JULLIARD pour le Parti Socialiste
Jacques GROSPERRIN pour l’UMP
Chaque invité présente son projet pour l’école et pour lutter contre les inégalités :
Pour le Front de Gauche il est nécessaire d’accueillir et de faire progresser les enfants vers une haute qualification car c’est un moyen de sortie de crise. Il convient de lutter contre les inégalités sociales et scolaires en développant la recherche en éducation, les pratiques innovantes, la formation des enseignants. Le Front de Gauche souhaite améliorer l’accueil des 2 ans, et rendre obligatoire la scolarisation de 3 à 18 ans, avec un collège unique, augmenter le nombre d’enseignants et autres personnels pour concourir à cette réussite. Pour cela il souhaite prendre sur les dividendes des actionnaires et redistribuer les richesses et pose la question : est ce que l’on continue de traiter la crise comme actuellement alors que nous avons besoin de beaucoup d’argent pour l’école ?
Le MODEM rappelle que 150 000 jeunes sortent sans qualification (16%) que 200 000 CM2 ont des bases très fragiles (25%) et que le tout entraîne 41% de taux de chômage des non diplômés. Il faut donc agir dès le primaire et sanctuariser les moyens.
Le NPA rappelle aussi l’importance de tous les personnels dans la réussite des élèves.
Le Parti Socialiste tient a mettre l’accent sur les réussites du système actuel avant d’aborder les difficultés du système éducatif. L’échec doit être analysé au cœur de la scolarité. et les établissements publics comme privés doivent se partager la mixité sociale.
Pour Philippe Mérieu, Europe Écologie les Verts, le rôle de l’école est de soutenir les parents, certaines villes étant plus éducatives que d’autres. L’école se doit d’avoir un projet éducatif qui tienne compte des inégalités. Il critique aussi les aides individualisées qui ne sont que des soutiens périphériques qui justifient de mettre l’élève ailleurs et insiste sur l’externalisation de la difficulté scolaire alors que nous devrions remettre du sens commun à l’école.
Jacques Grosperrin pour l’UMP définit le socle commun à partir de 4 grands principes : Premièrement un budget contraint, deuxièmement travailler de manière différente, troisièmement faire intervenir les collectivités territoriales, quatrièmement renforcer les évaluations par niveau pour obtenir des indicateurs-
En conclusion Bernadette Groison met en avant, comme dans ses deux prises de parole précédentes, la notion d’équipe pluriprofessionnelle, et rappellera les questionnements de la FSU :
« Comment démocratiser l’accès aux savoirs de la maternelle à l’université ? Comment définir aujourd’hui le service public d’éducation, ses objectifs, ses missions, son fonctionnement ? »